ENVOLEES

par Dominicella 2017

 

D'abord les manuscrits, les signes, les récits en devenir de Teo Libardo ; puis les pliages, les trouvailles de DéDéTé, parfois l'inverse ; à n'en plus savoir qui commence, qui prolonge ; l'un devient l'autre si l'autre n'est pas déjà le premier. Ces inséparables renouent avec un geste de l'enfance, avec l'émerveillement de la feuille posée sur l'air, avec le plaisir de jouer tantôt à l'aviateur, tantôt à l'aiguilleur.

 

Des avions de papier plutôt que d'acier - porteurs de mots plutôt que de bombes - aux "oivions" échappés de leurs cages, Envolées nous rappelle combien jouer permet de défier la gravité convenue du quotidien. 


FRAGILES LABYRINTHES

par Teo Libardo 2007

 

Le dédale des signes, d’une pseudo-écriture, entre en résonnance avec le labyrinthe des fils sur le tableau qui en font une œuvre à trois dimensions.

C’est bien connu : parfois pour se retrouver, être essentiellement, souverainement soi-même, il faut savoir se perdre. L’amour, le désir, la vie : trois boussoles qui n’en sont qu’une, nous aident à apprivoiser ces labyrinthes, à nous y sentir à l’aise, à nous y installer avec confiance. Le jeu serait alors l’exploration sans fin de ce territoire, avec ses sensations de déjà-vu et de découvertes. Les labyrinthes sont les richesses que la vie nous donne. Fragiles puisque humains.

Ces labyrinthes sur les tableaux renvoient à notre complexité, à notre parcours, aux méandres de notre inconscient ; les matériaux utilisés, diverses ficelles, cheveux, à notre fragilité.

Cette série de tableaux est la continuation de celle des Entrelacs (1993 - 1994). Même discours mais voix et voie différentes. A vous de l’entendre, de la parcourir ou non.


LES PEINTURES DE TEO LIBARDO

par Bernard Derrieu 1991

 

La peinture de Teo Libardo est en premier lieu constituée d’un fond où le mystère de la création se rejoue dans un mouvement tourbillonnaire de couleurs, une révolution libre et tranquille de lignes. L’oeuvre naît d’elle-même, ne figurant rien d’autre que son énergie déployée. « Il y a toujours un sujet », affirmait de Staël à propos de la peinture non figurative : et Pollock d’ajouter :   « La peinture possède une vie qui lui est propre. » 

Ainsi le sujet de la peinture peut-il être la peinture en acte, s’instituant dans un espace donné. Les fonds de Teo Libardo sont d’abord des recouvrements de la toile blanche par un magma de couleurs, ombres où se dessinent ensuite des chemins de lumières, labyrinthiques, entrelacs quasi-incantatoires et qui renouent avec les recherches de Tobey, Masson, Pollock : oubli de l’art occidental, appel vers un certain orient. 

Porteuse de sa seule logique plastique, cette peinture continue de procéder par appels successifs: l’informel cède le pas à des rythmes structuraux, le recouvrement suscite le creusement, le cadre provoque l’aménagement d’une lucarne intérieure, le carré convoque le triangle, à la ligne répond le point, et sur tout ce langage en gestation s’instaure une espèce d’écriture pictographique.   « Ecrire et dessiner sont identiques en leur fond », énonçait Paul Klee. Cette mécanique fonctionne : elle renouvelle l’expérience picturale par elle-même, et la perpétue de tableau en tableau. 

Dans les plus récentes toiles de Teo Libardo, la liberté originelle se combine avec des architectures qui ne sont plus de hasard, mais où les enluminures chatoyantes, les mélanges au sable, d’autres variations autour de la lumière, enrichissent l’image et relancent, par le détail, le processus de la création.


UNE PASSANTE DEVANT LES TOILES DE TEO LIBARDO 

par Elisa Coste 2012

 

En regardant les tableaux – acrylique sur toile – de Teo Libardo, on remonte le temps depuis une trentaine d'années où il s'est reconnu dans l'acte de peindre, comme une expression nécessaire.

Les dernières toiles de 2010 – la série Aubes – sont à la fois visuelles et tactiles. Le peintre allie le blanc de la peinture au noir de cheveux collés sur la toile. Ces six tableaux constituent un territoire intime, espace de la toile saturée de blanc sur lequel Teo Libardo a collé des cheveux en touffe ou parsemés çà et là. Ceux-ci forment un dessin flou , noir ou devenant gris, marron ou plus sombre selon qu'il a travaillé cette matière avec le blanc. L'ensemble ressemble à une géographie intime, marquée de figures, comme des cartes où se dessinent des formes qui évoquent le corps féminin : rondeurs des seins, triangle du sexe ou mains, selon l'angle de vue. Ce mélange d'abstraction – la pâte - et de concret – les cheveux – est doux à l'oeil, parle de la vie, de ses reliefs – parfums et réminiscences de femme et de mystère – Mais aussi il témoigne de ce qui a été coupé, trituré et collé sur la toile – cheveux morts scellés dans l'acte de peindre – petite stèle funéraire pour la femme aimée.

La série des Rouges est un peu plus ancienne. Il s'agit de grandes toiles où le peintre explore l'épaisseur de la matière rouge. Grands à-plats, superposition de couches, grattages de graphismes inouïs, formes noires ou jaunes se devinant en profondeur du rouge. Ici, le rouge met en perspective des êtres, comme des présences ancestrales – faune, couple – Ceux-ci semblent animés d'une force traversant les âges, comme si le peintre était habité d'une mémoire archaïque et nous la laissait entrevoir. Ce pourrait être des rituels primitifs, des danses sacrées, où tourbillonne le geste de l'artiste. Il y a du nerf, du vivant, comme en témoignent aussi les marques graphiques, illisibles et répétées, autant de vestiges et permanence de l'homme qui trace, du sang qui cogne, dans l'entrelacement des lignes, la survivance des formes de l'archaïsme à la modernité.

Des Rouges aux Aubes, la passante sent une sorte d'apaisement, de mise à plat de la vie à la mort, une continuité du besoin de peindre, d'écrire, comme un geste primtif qui dit la danse de l'être, à travers sauts, gestes, traits, lances ou simples traces, comme sur les grottes anciennes.


POUR QUE LE TABLEAU DEVIENNE MIROIR

par Teo Libardo 1990

 

Dans la civilisation de la « communication » et de l’image, j’aime à penser que la peinture abstraite est la négation de cette pseudo-communication et d’une image par trop lisible et claire. C’est un acte de résistance - si illusoire soit-il - devant la « transparence » imbécile qui consiste à dévoiler le dévoilable et à nommer bonheur une misère prescrite de longue date. Et aussi : « A force d’être transparent, il devint invisible ».....

Devant un tableau abstrait celui qui regarde ne voit que ce qu’il peut, veut voir et ne sent que ce qu’il peut, veut bien sentir. Il faut donner pour que le tableau se donne à voir. Il faut « être » pour que le tableau devienne miroir.